Lancer une entreprise après 20 ans d'expérience dans le domaine de l'alcool.
À propos de Vinsur20
Vinsur20 se spécialise dans les alcools en provenance de pays afro ou l'on y retrouve des producteurs qui dans leurs arts transmettent les valeurs et traditions d’un pays, soit par le kléren Haïtien ou le sodabi Béninois et Togolais ou bien par le traditionnel rhum agricole.
Points discutés
- Faire la transition d'employé à employeur
- Découvrir des nouveaux produits à travers le monde
- Gérer les relations avec les fournisseurs de produits
- Pré-requis et processus pour importer de l'alcool au Québec
- Évoluer dans un marché compétitif et contrôlé.
- Se positionner avec un réseau de distribution
Transcription de l'épisode
[00:00] - Jude Pierre
Bienvenue sur le podcast! La Jeune Chambre de commerce Haïtienne, dont la mission est d'encourager et de stimuler l'entrepreneuriat. Mon nom est Jude Pierre, aujourd'hui je partage une conversation que j'ai eue avec James Louissaint, qui est fondateur et président de la Compagnie Vin sur 20 qui importe des alcools venant du terroir africain à la SAQ. Il nous parle de son expérience dans l'industrie d'alcool et comment il gère les relations avec la SAQ et les fournisseurs à travers le monde. Sans plus tarder, je vous dis, bonne écoute!
[00:32] - Jude Pierre
Bonjour James, merci de m'accorder ton temps aujourd'hui pour parler de ton parcours en tant qu'entrepreneur et je sais que toi t'évolue dans un secteur qui est un peu particulier, propice, je ne sais pas encore comment le définir qui est le monde des alcools. Avant que je commence à poser des questions, je vais te donner l'occasion de te présenter. Est ce que tu peux parler un peu de toi stp?
[00:57] - James Louissaint
Mais dans un premier temps, je te remercie de l'invitation Jude. Alors, mon nom est James Louissaint, je suis âgé de 47 ans, et puis je suis né à Montréal, d'origine haïtienne.
[01:08] - James Louissaint
et puis, je suis dans le domaine de l'alcool. Je te dirais depuis environ 20 ans. Effectivement, comme tu l'as bien dit c'est un domaine qui est un peu atypique. Le monde de l'alcool, ce n'est pas tout le monde qui sait comment les alcools arrivent au Québec. Alors moi, ça fait 20 ans que je gravite à l'entour de ce monde là. Alors je te dirais que ce sont les grandes lignes.
[01:29] - Jude Pierre
Ça fait 20 ans. Depuis c'est 20 ans là, est ce que tu as commencé directement en tant qu’entrepreneur? Et comment ça s'est passé?
[01:37] - James Louissaint
Alors au tout départ, moi, j'ai travaillé à la SAQ. Je te dirais environ une dizaine d'années. Alors C'est là vraiment que j'étais introduit dans le monde de l'alcool. J'étais âgé peut-être environs de 24 -25 ans quand j'ai commencé. Je n'étais pas un amateur d'alcool au départ et je n'étais pas un entrepreneur non plus. Et puis, c'est vraiment quand j'ai mis les pieds à la SAQ, j'ai commencé à comprendre et à apprécier le monde de l'alcool.
[02:02] - James Louissaint
Et Par la suite, le désir d'être entrepreneur s'est fait. Je te dirais vraiment quand j'étais un employé salarié. C'est là que j'ai eu l'idée et l'envie d'importer des produits qui nous représenteraient, qui me représenteraient. Alors, encore une autre fois, c'est les grandes lignes. Alors, j'ai vraiment débuté avec la SAQ. C'est vraiment à la SAQ, encore en tant qu'employé pendant une dizaine d'années, qui a été le point de départ.
[02:29]- Jude Pierre
OK parfait. Mais, juste une petite parenthèse, tu dis que tu ne connaissais pas l'alcool, mais t'étais fan du rhum Barbancourt bien avant?
[02:36]- James Louissaint
Oui, tout à fait. Est ce que je dirais fan? Je dirais plutôt je connaissais le rhum Barbancourt par sa notoriété. C'est une grande notoriété. Je le connaissais très bien. Oui, pour répondre à la question, effectivement je le connaissais très bien.
[02:53]- Jude Pierre
Le rhum Barbancourt, c'est comme une religion en Haïti, on en met dans tout.
[02:58] - James Louissaint
Exactement c'est un rhum qui est reconnu à travers la planète par sa qualité. Oui, absolument. C'est une belle carte de visite pour le pays.
[03:07] - Jude Pierre
On ferme cette parenthèse là. On revient un peu sur notre discussion concernant l'entrepreneuriat. Donc là, tu as commencé à la SAQ et t'as développé ce goût pour l'importation. Parle nous de cette transition là. D'employés à, OK, je construis et je vais construire ma propre business dans cette industrie là.
[03:33] - James Louissaint
Alors, tout a débuté, je te dirais j'étais salarié naturellement. Par la suite, j'ai travaillé pour des gens qui étaient dans le domaine de l'alcool, des agences de représentation d'alcool. Pour être bien précis, je travaille à la SAQ. Je suis un employé. Puis là, je rencontre des gens, des entrepreneurs qui rentrent en succursale. Eux leur travail, c'est de faire en sorte que leurs produits qui se retrouvent à la SAQ soient bien marchandisés, bien placé que nous, les employés, connaissent bien les produits.
[04:03] - James Louissaint
Alors quand je regardais ces gens là travailler. Je me disais c'est intéressant qu'est ce qu'ils font. Ce sont des entrepreneurs. Ils font parvenir leurs produits au Québec et par la suite, ils travaillent avec les gens de la SAQ pour pouvoir promouvoir leurs produits. Alors c'est à partir de là que l'idée m'est venue de peut être faire la même chose aussi, moi aussi d'importer mes produits et de travailler conjointement à la SAQ pour promouvoir ces produits là. Alors, à partir de ce moment là, quand cette idée là m'est venu en tête, j'ai appliqué pour des agences de représentation.
[04:32] - James Louissaint
Alors, il y en a plusieurs au Québec. Au Québec, je pense qu'on est plus de 400 ou 400 à 600 agences de représentation d'alcool. Alors, chaque produit qu'on trouve à la SAQ, il y a une agence qui la représente. Il y a une agence qui est en arrière, une agence basée au Québec qui fait le travail pour le producteur qui est en France, en Europe ou partout à travers la planète. Alors, j'ai commencé à travailler pour des agences de représentation et par la suite, de fil en aiguille, voyant très bien qu'il y avait une possibilité.
[04:59] - James Louissaint
Il y avait un manque pour nous, notre communauté. Mais j'ai décidé, après 5, 6 ans de représentation pour des agences, de décider de partir ma propre boîte et de faire la même chose aussi importer des alcools et de travailler, puis de les vendre par moi même à la SAQ. Alors je te dirais vite comme ça, ce sont les grandes lignes. Mais je ne sais pas si j'ai été clair là. Mais bon, ça te donne une idée.
[05:20] - Jude Pierre
Oui je comprends. Mais écoute, je pense que tu amènes un aspect aussi par rapport à l'entrepreneuriat. C'Est quelque chose des fois qu'on recommande beaucoup aux gens. Dès fois, tu évolues dans un milieu en tant qu'employé et puis l'opportunité d'entrepreneuriat est juste devant toi là. Mais il suffit de porter attention. Je pense qu'il y a l'effet Zuckerberg. On pense qu'on doit construire un autre facebook pour dire qu'on est un entrepreneur. Mais j'aime bien ça. J'aime bien voir ça. Comme étant dans un milieu on voit cette opportunité de lancer sa propre entreprise et puis on s'y met. Puis on lance.
[06:02] - Jude Pierre
Là toi tu t'es lancé.
[06:04] - James Louissaint
Oui.
[06:04] - Jude Pierre
Et là, t'as décidé de focaliser sur un type de boissons en particulier. Je vais te laisser expliquer les boissons sur lesquelles que tu focus et nous expliquer aussi pourquoi t'as fait ce choix.
[06:18] - James Louissaint
Alors, j'ai décidé de mettre le focus et j'aime le dire sur les produits, les alcools du terroir Afro. Alors, quand on parle du terroir afro, des produits des alcools qui poussent dans des pays d'afro descendants ou dans le continent africain, entre autre, soit dans les Caraïbes, Haïti, Jamaïque, Martinique, Guadeloupe. Je me répète d'un continent africain.
[06:40] - James Louissaint
Et la raison pourquoi l'idée m'est venue c'est que j'ai qu'il y a un manque. Il y a un manque. Quand on va dans les succursales de la SAQ. On parlait toi puis moi du rhum Barbancourt. C'est le seul et unique produit qu'on a qui est en provenance d'Haïti. Et pourtant, en Haïti, on sait très bien. Il y a plusieurs alcools, entre autres les clairins qui sont des produits à découvrir. On a le crémasse. Tu connais aussi le crémasse, que nos parents, nos grands-parents faisaient à la maison. En Haïti, on le vend, on le commercialise aussi. Chaque fois que je vais en Haïti, je m'achète une bouteille de crémasse. Je bois un peu de clairin. Alors je me demandais mais pourquoi ces produits là ne se trouvent pas ici à la SAQ. Si ce n'est pas en succursale, mais pourquoi pas en importation privée?Parce qu'il y a aussi l'aspect importation privée à la SAQ.
[07:22] - James Louissaint
Et puis, pour faire une histoire d'importation privée, c'est quand les produits ne se retrouvent pas sur les tablettes de la SAQ. Mais Ils sont quand même vendus par la SAQ. Alors je me suis dit il y a quand même une option. La communauté haïtienne est quand même bien représentée au Québec. Je pense que la communauté haïtienne, c'est la deuxième communauté la plus représentée après la communauté française. Mais nous n'avons absolument rien comme représentation au niveau des alcools.
[07:44] - James Louissaint
Alors là, je me suis dit en tant qu'entrepreneur, il y a un problème ici. Il y a un manque, il y a un problème. Il y a un manque, je peux combler ce manque là. Et c'est à partir de cette idée là que m'est venu de partir Vin sur 20, qui est une entreprise, une agence qui fait la représentation de produits du terroir afro. Et par la même occasion, j'ai décidé de regarder sur le continent africain. Je me suis renseigné et j'ai appelé quelques personnes et essayer de m'éduquer sur les alcools qu'on a en Afrique parce que même moi, je n'ai aucune espèce d'idées pour découvrir qu'il y avait des produits aussi des alcools africains, comment je pourrais dire, très qualitatifs, très compétitifs. Et j'ai décidé d'en importer quelques uns du Sodabi entre autre. Et puis, après dégustation avec des amis pour réaliser que le produit est exceptionnel et que y'avait, il y avait quelque chose à faire ici aussi d'importer des produits là.
[08:33] - James Louissaint
Alors c'est les grandes lignes aussi, il y a aussi l'aspect économique. Essayer de faire vivre les gens dans ces pays là qui travaillent, qui travaillent la terre qui travaillent les alcools, essayer de leur faire de l'argent, puis, dans une économie circulaire, tout simplement.
[08:50] - Jude Pierre
C'est intéressant ce que tu dis. Et là, tu expliquais un peu comment tu fais le processus avec un fournisseur. Tu regardes le territoire et tu essayes de voir quel produit qui est disponible. T'essayes d'apprivoiser ce produit là. Et parle nous un peu de ce processus. Mettons du moment que tu découvres un produit et au moment que tu l'amènes à la SAQ, c'est quoi les éléments?
[09:25] - James Louissaint
Ça a l'air de rien. Mais c'est assez simple. Alors je te prends l'exemple du Sodabi. Alors je fais quelques recherches sur Internet, à savoir quels sont les produits emblématiques ou symboliques, les alcools symboliques en Afrique. Et on parle de quoi? Un premier truc qui m'arrive, c'est le Sodabi. Alors, je me renseigne sur le Sodabi pour réaliser que c'est un produit, un vin de palme. Alors c'est fait de sève de palme. Et puis, soit on fait de la fermentation, on fait la distillation de ce produit là pour avoir soit du vin de palme tout simplement par fermentation ou du Sodabi quand on fait la distillation.
[10:00] - James Louissaint
Alors tu te renseignes. Après tu regardes, je regarde les fournisseurs ou les producteurs de Sodabi. Et par la suite, tout simplement sur Internet, comme tu le sais, l'information est là. Alors la le numéro, le contact et tout cela. Je contacte directement le fournisseur, on frappe à sa porte et on lui explique : Écoutez je suis importateur d'alcool et j'ai entendu parler de produits. J'aimerais bien y goûter. C'est la première chose parce que avant de vouloir le commercialiser, il faut y goûter.
[10:29] - James Louissaint
Comme je n'ai pas eu la chance d'aller en Afrique encore. C'est sur que je vais y aller quand la pandémie va se terminer, puis qu'on va revenir à la normale. J'ai l'intention d'y aller, mais entre temps, j'ai demandé aux fournisseurs de me faire parvenir des bouteilles. Puis il m'a fait parvenir des bouteilles. J'ai appelé des amis. On ouvre les bouteilles, on déguste, puis j'écoute les gens, puis on décide si le produit est bon et pas bon. Mais pas, on décide. Mais j'attends, je vais voir la réaction des gens pour qu'ils me disent si le produit est bon. Et c'est exactement la façon, le modus operandi que j'ai fait à plusieurs reprises avec plusieurs produits, entre autre le sodabi. Et après avoir dégusté, puis ça a été unanime. J'avais une dizaine de personnes qui avaient dégusté avec moi. C'était unanime. Les gens appréciaient le produit. À partir de là, on pousse, on pousse la machine et à partir de là, on y va. Puis on fait l'importation.
[11:20] - Jude Pierre
Mettons. Donc ça se peut dans ton processus là, on est en covid. Tu ne peux pas voyager, mais ça se peut dans le processus que t'aurais à voyager en Afrique pour rencontrer le fournisseur et y comprendre un peu plus ce qui est derrière le produit en fait.
[11:40] - James Louissaint
Exactement savoir la philosophie du produit. Savoir avec qui je fais affaires? Qui sont les gens qui font ce produit? Pourquoi ils le font? La façon qu'ils le font. La façon de distiller les produits et les conditions sanitaires. Et ainsi de suite. Effectivement, c'est habituellement et puis aussi naturellement rencontrer les personnes face à face. Voir si c'est un partenaire d'affaires si ce sera un partenaire d'affaires. Si ce sera quelqu'un avec qui on pourrait faire affaires à moyen et long terme.
[12:07] - James Louissaint
Effectivement, cet exercice là, je l'ai fait en Haiti. Quand je suis allée en Haïti avant la pandémie. J'étais en Haïti en février 2020. Imagine c'était vraiment quelques semaines avant la pandémie. Et puis j'ai rencontré des maisons entre autre rhum Bakara et puis, rhum Vieux Labbé. Ce sont deux distillateurs de rhum agricole en Haïti, bien connu en Haïti. Effectivement, on a fait l'exercice. On a dégusté leurs produits. On s'est assis avec eux, on a fait la rencontre des employés, la rencontre des gens qui font, qui font le produit. Puis, par la suite, on s'est serré la main, on a dit deal, puis aujourd'hui Rhum Bakara saveur cannelle est disponible au Québec, et Rhum Vieux Labbé 5 étoiles est disponible au Québec suite à ma rencontre avec ces gens là.
[12:55] - Jude Pierre
Vraiment vraiment cool! C'est vraiment que tu as fait ça parce que Vieux Labbé, cela ne date pas d'hier non plus. Donc, c'est fou. C'est maintenant grâce à toi que c'est disponible à la SAQ pendant qu'on sait Haïti est à côté. Quatre heures d'avions. Et en ce moment, je sais qu'il y a d'autres rhums qui se développent en Haïti et que les gens connaissent moins. Mais déjà pour le plus populaire du rhum Barbancourt, c'est très rare que tu peux en trouver à la SAQ. Donc, je pense que tu a plus de chance de trouver le 3 étoiles que 5 étoiles. Je ne sais pas pourquoi.
[13:31] - James Louissaint
Absolument absolument. C'est bizarre, mais c'est vrai, c'est exactement ça.
[13:35] - Jude Pierre
Je ne sais pas pourquoi, mais c'est donc que les haïtiens typiques qui ont grandi en Haïti sont toujours en mode 5 étoiles.
[13:43] - James Louissaint
C'est vrai cela. Ils ne veulent rien savoir du 3 étoiles.
[13:48] - Jude Pierre
Ils disent que le 3 étoiles est pour la médecine et le 5 étoiles est pour la dégustation.
[13:52] - James Louissaint
À ces gens là, je leur dis qu'il y a du rhum Vieux Labbé 5 étoiles de disponible s'ils ne veulent pas du 3 étoiles.
[14:03] - Jude Pierre
Cool, c'est vraiment. Le message est lancé à ce niveau là. Mais est ce qu'il t'est déjà arrivé que tu as trouvé un produit tu as rencontré le fournisseur et pour une raison ou une autre le fournisseur ne veut pas faire affaires avec toi ou ou la relation ne marche pas, tout simplement.
[14:18] - James Louissaint
Question Effectivement, j'entrais pas trop dans les détails. Je vais pas donner de nom. j'avais contacté des gens en France et puis, c'est par courriel, alors on ne s'était jamais rencontré. Et puis tout allait bien et on a fait une première commande. J'ai fait des premières ventes et puis ils sont venus au Québec et on s'est rencontré. On a pris le temps de se rencontrer. C'était la première fois qu'on se rencontrait plus tôt. Et puis, étonnamment, ils ont décidé de leur propre chef d'arrêter notre relation d'affaires. Alors bon. Bon alors pour répondre à la question directement , je te donne mon histoire à moi. Mais il y a des fournisseurs qui ne voudraient pas travailler avec moi ou avec nous. Mais il faut savoir que la SAQ. On va parler de la SAQ un peu plus tard. La SAQ est une belle carte de visite.
[15:12] - Jude Pierre
OK
[15:14] - James Louissaint
Tous les fournisseurs à travers la planète quand on leur parle de SAQ, je peux te dire qu'il y a des étoiles qui scintillent dans leurs yeux.
[15:24] - Jude Pierre
Mais c'est bien que c'est une belle carte de visite. Je sais qu'on va parler de la relation avec la SAQ un peu plus tard. Mettons j'ai déjà été en Haïti. J'ai parlé avec certaines personnes et elles me disaient que, des fois, la SAQ peut être très difficile avec l'importation.
[15:42] - James Louissaint
Mais oui t'as raison, la SAQ. Bon, faut comprendre que la SAQ, c'est le plus grand, un des plus grands acheteurs de Vin, si ce n'est pas le plus grand acheteur de vins à travers la planète et d'alcool à travers la planète. Alors, la SAQ a vraiment du poids, et très puissant. Alors, nous, dans l'industrie, on aime dire qu'après après Dieu, c'est la SAQ dans le sens que la SAQ fait ce qu'elle veut. Et puis là, je vais parler un peu négativement de la SAQ, mais y'a pas juste des points négatifs.
[16:10] - James Louissaint
La SAQ, c'est quand même, comme je t'expliquais, une belle carte de visite. Mais, effectivement la FTQ, elle a des standards très, très élevés. Et puis, si tu n’atteins pas ces standards, elle se tourne le dos. Puis elle va voir ailleurs, elle n'a pas le temps à perdre.
[16:22] - Jude Pierre
On veut voir revenir sur le dossier de la SAQ parce que je pense que c'est une partie très croustillante. Mais là, avant d'embarquer dans le dossier de la SAQ, je voulais savoir quels sont en général les pré-requis pour que quelqu'un puisse importer un produit ou de l'alcool au Québec?
[16:44] - James Louissaint
Alors le pré-requis, c'est qu'il faut être formé par la SAQ. La SAQ offre des formations pour pourvoir devenir agent. Alors ça, c'est la première étape. C'est vraiment d'aller, de contacter la SAQ lui dire qu'on voudrait être agent et par la suite, elle va vous remettre la documentation.
[17:01] - James Louissaint
Après, il faut aller à ses bureaux, les rencontrer et faire la formation. Puis, quand la formation est fait habituellement à la SAQ, je dirais à 100 pour cent. Mais bon, je ne suis pas à la SAQ, mais à 100 pour cent du temps. Elle l'offre le permis. Elle donne le permis d'importation suite à la formation. Alors c'est aussi simple que ça. C'est pas plus compliqué que ça, alors tout est géré par la SAQ. Il faut les contacter. Puis, suite à la formation, ce n'est pas un examen hein c'est une formation.
[17:28] - James Louissaint
Mais là, ça fait quand même 10 ans. Ça peut être ça peut être changé. Ça peut être avoir changé. Mais moi, à mon époque, une simple formation qu'on avait le permis d'importateurs
[17:37] - Jude Pierre
Ok Cool.
[17:38] - Jude Pierre
Et après ça, toi, tu fais les démarches pour les transports. C'est pas la SAQ qui s'occupe de cela?
[17:44] - James Louissaint
C'est une bonne question Jude. Alors cela dépend. Ça revient aussi à qu'est-ce que je te disais pourquoi nos produits. Pourquoi les produits de notre communauté ne sont pas représentés à la SAQ? C'est que la SAQ va chercher les produits, mais ne va pas chercher les produits partout dans le monde. En Europe, naturellement, la SAQ va chercher les produits. Alors supposons que je dis à la SAQ que je vais commander 25 caisses d'un vin français bourgogne.
[18:11] - James Louissaint
Ils vont dire parfait James. On s'occupe du transport, on amène ça dans nos entrepôts. Puis par la suite, tu peux commencer tes ventes. Parfait. Par contre, si je leur dis : je veux 20 caisses de rhum agricole haïtien, là, la SAQ va te dire débrouille toi pour amener les produits dans mon entrepôt et à partir du moment que le produit est rentré dans mes entrepôts, tu pourras faire la vente. Alors, toute la logistique de faire venir les produits, soit voie maritimes, voie aérienne , les douanes. Tout ça, c'est sur la charge de l'importateur, car ça vient de pays bien spécifiques et naturellement, je ne sais pas pourquoi. Mais des pays comme Haïti, des pays comme en Afrique. Ça, c'est sur le dos de l'importateur.
[18:53] - Jude Pierre
Donc je pense qu'il y a un aspect de volume aussi. Par exemple, pour l'Europe, ils ont déjà pas mal de vins et d'autres alcools qui sortent de l'Europe. Donc, peut être, ils ont déjà une chaîne de distribution qui a été établie?
[19:10] - James Louissaint
Oui, absolument. Oui c'est vrai. T'a raison. Mais je pense qu'ils vont dans des pays beaucoup plus comment je pourrais dire. Je pense qu'il s'en va. Là, je vais parler, mais je pense que oui a 99% sûr. Ils vont au Liban, y vont, ils vont à des endroits bien particuliers. Ils vont en Jamaïque. C'est qu'ils vont en Jamaïque chercher des produits jamaïcains. Le rhum Appleton, je suis persuadé qu'ils vont le chercher. Alors il y'a des endroits qui vont. Il y a d'autres endroits qui y vont pas, mais pourquoi? Comment? Mais bon, t'as raison, le volume doit avoir un lien aussi là dessus. Cela c'est certain.
[19:47] - Jude Pierre
Mais écoute on parle d'alcool. On ne peut pas ignorer la SAQ dans cela. On revient tout le temps dessus.
[19:53] - James Louissaint
Au Québec, c'est impossible.
[19:57] - Jude Pierre
Et moi, je voulais approfondir concernant la SAQ. Je voulais savoir un entrepreneur. Tu évolues dans un marché qui est, on pourrait dire, pas mal contrôlé. Quels sont les avantages et désavantages?
[20:16] - James Louissaint
Si on peut parler de désavantages. Effectivement, c'est que la SAQ te donne des restrictions assez claires. Et puis, si tu ne respectes pas ces restrictions là. Too bad pour toi. C'est terminé. Il n'y a pas de négociations. La SAQ c'est x c'est y. Alors quand tu fais affaires avec une grosse machine comme ça. C'est dès fois le côté humain s'y perd. Dès fois tu ne peux pas discuter vraiment avec les gens de la SAQ puisque la machine est trop grosse.
[20:47] - James Louissaint
Je donne un exemple rapide. Ce sont les prix. Moi, je suis obligé de vendre un produit qui se vend 7 dollars USD en Haïti. Je suis obligé de le vendre pratiquement 55 dollars canadiens ici. Alors ça, c'est un très gros désavantage.
[21:05] - Jude Pierre
Oui.
[21:05] - James Louissaint
Je ne peux même pas discuter avec la SAQ du prix. Je ne peux même pas leur dire X Y Z. La SAQ va te dire : Mais retourne toi, va voir ton fournisseur puis dis lui de te le vendre 5 dollars USD au lieu de 7 dollars USD. Mais à 5 dollars USD, le producteur ne fait pas d'argent. Alors, il y a des fois les producteurs vont dire : je laisse tomber là. Je ne peux pas te le vendre à 5 dollars USD je ne vais pas faire d'argent. Je dirais ça c'est l'aspect négatif le plus le plus dommageable. Mais bon. Cela étant dit, on est tous sur le même pied d'égalité sur le territoire du Québec. Alors moi, si je le vend 50$ le compétiteur est obligé de le vendre aussi 50$. Alors dans ce sens là, c'est mal pour un bien ou un bien pour un mal. Mais bon, au moins, on est sur le même pied d'égalité. Fait Que ça, je te dirais c'est la plus grosse restriction c'est qu'on ne peut pas négocier le prix. Le prix c'est la SAQ qui décide. Alors, dès fois, les gens vont dire : c'est vraiment cher, mais j'ai rien à voir là dedans. C'est vraiment la SAQ. Je n'ai même pas fait de l'argent encore. Imagine.
[21:57] - Jude Pierre
Mais aussi ils te chargent des frais d'entreposage?
[22:01] - James Louissaint
Oui, absolument. C'est vrai, je vois que t'es renseigné Jude. La SAQ te donne un délai. Alors, t'as vraiment, je pense de mémoire, c'est 210 jours de grâce. Alors t'as 210 jours ,supposons que tu fais parvenir 500 caisses d'un produit, la SAQ te dit que t'as 210 jours pour vendre tes produits. À partir deux centième, onzième jour, Et puis là, je donne les chiffres, mais ça peut être 220, 221 là.
[22:28] - Jude Pierre
OK.
[22:29] - James Louissaint
Oui on se comprend.
[22:30] - Jude Pierre
On va dire 200 jours
[22:31] - James Louissaint
Exactement le 200 ème jour si tu n'as pas fait tes ventes, les frais, effectivement, comme tu dit, Il y a des frais d'entreposage absolument exactement. Y'a rien de gratuit avec la SAQ.
[22:43] - Jude Pierre
Ouais, c'est ça. Mais admettons qu'il y a un autre aspect que tu parles aussi que tu vois comme un avantage qui est le fait que m'étant même si moi je deviens un compétiteur demain, je négocie quelque chose avec Vieux Labbé. Je ne peux pas venir vendre au Québec à un prix moins cher donc on va les deux à 50 dollars.
[23:07] - James Louissaint
Exactement. Là où ça sera moins cher. Ce sont les commissions. Alors moi, si je mets 15 pour cent de commission sur le 50 dollars. Est ce que, toi, tu va mettre 5 de commission? C'est là que le prix va changer, mais le prix de départ, on va être au même pied d'égalité.
[23:22] - Jude Pierre
T'as parlé de la commission qui est une différenciation, qui peut être une différenciation entre deux entrepreneurs. Mais aussi comment que tu t'assure que t'es gagnant dans un contexte comme ça? Parce que je ne pense pas quelqu'un à la SAQ et là voit, commande les bouteilles de Vieux Labbé, Ah, c'est celui de James. Je vais prendre cela.
[23:46] - James Louissaint
Cela c'est sûr que non. Mais quand tu me dis Comment on peut être gagnant? Comment peut faire de l'argent? C'est dans ce sens là?
[23:50] - Jude Pierre
Oui C'est cela. Comment tu peux t'assurer que ,OK, je vais prendre le cas qu'on est deux à vendre le Vieux Labbé ok. Et puis c'est comme que t'as amené 500 caisses et j'ai amené 500 caisses. OK. Et puis on vend tous les deux au même prix. OK, donc, il peut y avoir une différence de commission. Mais comment tu dis ok moi je dois écouler mes 500 caisses en 200 jours. Donc là tu dis OK, si je veux tu dis si je veux me démarquer de Jude qui est mon compétiteur quelle autre façon que tu pourrais écouler tes caisses parce que le client voit pas la différence. C'est pas marqué sur la bouteille, mais est ce qu'il y a d'autres techniques qui se fait ou c'est plus que, je sais quand t'es en importation, t'es plus B2B aussi.
[24:40] - James Louissaint
Exactement. Mais je vais être franc avec toi. La seule et unique différence, c'est mes 20 ans d'expérience versus toi. Moi, j'ai ma clientèle déjà bien établie après 20 ans dans ce monde là. J'ai des gens bien établis qui me connaissent très bien. Alors ils savent très bien la liste de produits que je représente. Le particulier, la personne de tous les jours, effectivement, lui, ne sait pas qui est en arrière de Vieux Labbé. Est-ce que c'est Jude? Ou est ce que c'est James? Mais les clients, les vrais clients, les restaurateurs, les hôtels, les bars et tout ça? Mais là, c'est du PR. C'est l'expérience. C'est ton client ou c'est mon client. Alors c'est à partir de là, c'est comme ça. Moi, je peux faire la différence. C'est vraiment l'expérience dans le domaine. Et puis, les contacts que j'ai eu depuis tout ce temps là. Y'a rien de technique, n'a rien de magique. C'est l'expérience.
[25:32] - Jude Pierre
Ecoutes de toute façon. Mais aussi, le monde de l'alcool, c'est comme ça fonctionne beaucoup par réseau j'imagine. On ne peut rentrer n'importe comment demain?
[25:46] - James Louissaint
Tout à fait. Parce que le barman qui a son bar sur le coin de la rue, ou le restaurateur qui a son restaurant, des gens comme moi, il en rencontre je dirais facilement 5 par jour. Alors 5 par jour, il en rencontre 25, 30 par semaine. Alors c'est qui va se différencier entre les 30 représentants qui va le rencontrer? Celui avec la relation d'affaires à long terme, celui avec qui il fait confiance parce qu'effectivement, la compétition est très forte?
[26:19] - James Louissaint
Alors le restaurateur, pour faire son choix, c'est son meilleur représentant. C'est vraiment la façon de faire ou et la qualité du produit. Quand j'ai un produit dans les mains qui est extraordinaire. Comme le Vieux Labbé. Alors je fais juste déguster le produit à la personne et le tour est jouer. Puis si tu permets, je vais venir à la prémisse de ta question. Tu ne pourrais pas avoir Vieux Labbé parce que c'est exclusif parce que là, c'est sûr que si on est deux personnes à représenter le même produit. Tous les deux, on se tire dans les pieds.
[26:53] - Jude Pierre
OK, donc là du moins, tu prends le marché. Tu le prends. C'est fini?
[26:57] - James Louissaint
Oui absolument. Habituellement, ce sont des ententes verbales avec nos fournisseurs. On demande à nos fournisseurs : Écoute, c'est moi qui te représente au Québec. Ce n'est pas nécessaire d'aller faire affaires avec une autre agence. Ça arrive. Ça arrive dans le domaine. Mais quand ça arrive, il y'a un des deux agences qui s'enlèvent. Puis il y a aussi des recours juridiques parce que effectivement, on est censé avoir l'exclusivité d'un produit.
[27:20] - James Louissaint
Sinon, ça ne sert à rien de travailler tous les deux le même produit. On va noyer le marché tout simplement.
[27:27] - Jude Pierre
Écoute dernière question. Ça peut être l'avant dernière. On ne sait pas ce que tu vas répondre. Et là, on a finit de parler la SAQ. Case close. Et là concernant l'alcool et la communauté haïtienne que je vais parler aussi. Moi, je pense qu'il y a un très grand challenge. Admettons, je comprends le crémasse, c'est que je dis pas qu'on fait cela en bootleg.
[28:01] - James Louissaint
Même si, on a un produit qui se trouve à la SAQ. C'est que t'as toujours l'impression avec la communauté haïtienne? Quand tu vois une famille haïtienne il y a la grande tante, c'est comme, ah, ma grande tante, ma grand mère fait un crémasse mieux que cela. Pour le rhum, c'est un peu plus difficile, mais pour le clairin. J'en parle aussi parce que tu m'as parlé un peu du clairin. Pour moi, on tomber dans le même phénomène de crémasse ou que même si que tu as un bon produit fini. Tu vas toujours avoir le consommateur te dire : ma tante fait un bon clairin
[28:49] - James Louissaint
On fait toujours référence à ce que notre mère faisait. mais c'est normal, c'est normal aussi, c'est normal. Mais là, je te dirais oui.
[28:59] - Jude Pierre
Comment tu assures ton positionnent? C'est ça que je voulais. Ton positionnement en tant que fournisseur. Comment? tu assures le positionnement de ton produit sur le marché au Québec pour la communauté haïtienne.
[29:11] - James Louissaint
Oui, tu me pose une bonne question comment? Surtout si on prend l'exemple du crémasse. Mais bon, tu vois, stratégiquement parlant, on attaque présentement les marchés haïtiens, leur faisant savoir que Vin sur 20 est officiellement le représentant des produits typiquement haïtiens au Québec. Alors, on se positionne comme l'agence qui va représenter les produits de la communauté haïtienne et la communauté afro descendante et la communauté africaine. C'est notre positionnement. Mais au niveau de comment je pourrais dire comment la perception des gens versus qu'est-ce qu'ils ont goûté?
[29:48] - James Louissaint
Là c'est vraiment le client. Il va falloir que la clientèle haïtienne réalise qu'on doit, on doit travailler ensemble. Effectivement, ça ne sera jamais aussi bon que celui de ta mère. Il n'y a pas un riz qui est plus bon que le riz de ma mère. C'est tout à fait normal. Quand je m'en vais au casse-croute du coin je suis capable d'apprécier le produit qu'on me donne. Même si je sais que ma mère fait mieux que qu'est-ce que je mange. Je suis capable de l'apprécier et je pense, c'est ça. On a un travail à faire à ce niveau là.
[30:19] - James Louissaint
C'est de vraiment aider notre communauté. S'aider entre nous, puis promouvoir nos produits comme les autres communautés le font. Les italiens aiment les produits italiens, boivent des vins italiens. C'est pareil pour les Français. C'est normal. Et puis, je pense que nous aussi, dans notre communauté, on devrait avoir cette mentalité là. C'est de pousser nos produits, pousser notre communauté, de pousser notre culture, notre notre patrimoine. Et puis, c'est la seule façon.
[30:46] - Jude Pierre
Je comprends totalement ce que tu dis. Je sais que les italiens font du vin chez eux aussi.
[30:52] - James Louissaint
Exactement.
[30:54] - Jude Pierre
C'est pas pour autant qu'ils ne vont pas acheter une bouteille à la SAQ.
[31:02] - James Louissaint
Exactement
[31:02] - Jude Pierre
Message subliminale, même si tu sais le faire achète la bouteille de Vieux Labbé. Écoute, James, je te dis encore merci d'avoir parlé de ton parcours et d'avoir apporté un peu de lumière sur les genres de relations d'affaires qu'on peut développer avec un fournisseur à l'étranger et aussi avec la SAQ. Avant de partir, je voulais savoir est ce que t'avais un dernier mot à ajouter pour nos auditeurs.
[31:33] - James Louissaint
Alors, simplement en espérant que mon histoire peut inspirer des jeunes entrepreneurs à se lancer dans l'entrepreneuriat. Aujourd'hui, je suis l'homme le plus heureux au monde. L'entrepreneuriat a été quelque chose, sans dire sauver ma vie, mais il m'a fait changer la façon de voir le monde économique et la vie. Alors non, j'espère que je peux inspirer des gens à devenir entrepreneur. C'est vraiment un parcours extraordinaire.
[31:58] - Jude Pierre
Encore merci James d'avoir été disponible aujourd'hui pour ça. Et je souhaite beaucoup de succès avec Vin sur 20, et puis on se reprend bientôt.
[32:08] - James Louissaint
Merci Jude, merci pour ton intérêt. Merci beaucoup pour ton support. C'est vraiment apprécié.
[32:13] - Jude Pierre
Merci d'avoir écouter le podcast la Jeune Chambre de commerce haïtienne. Cet épisode est disponible sur notre site web jcch.ca merci.